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des bouts de Marionette
15 octobre 2007

Où l'on parle du désespoir et d'énergie vitale (2/3)

(c'est la suite de ce billet.)

Quand on quitte la maison familiale, pour commencer une nouvelle vie où tout est à (re)construire, la peur est plus présente que jamais. Nous sommes alors très vulnérables à beaucoup de choses, l'hypersensibilité se fraye un chemin (que dis-je un chemin, une autoroute!) dans la vie quotidienne et chaque moment devient primordial. Voilà deux années que j'ai quitté le nid, je pensais donc m'apaiser petit à petit. Mais depuis le début de l'année 2007, les évènements douloureux se succèdent : décès, maladies, divorce des parents. Et chaque fois, je sentais la barque frôler la fêlure fatale. Mais la vie continue. Voilà la phrase insupportable que j'entendai, à 12 ans, alors que ma grand-mère que j'aimais tant décédait d'un accident de voiture.

    La vie continue. On croirait, à entendre ces mots en début de course, que la vie est quelque chose de monocorde qui a des hauts et des bas, mais pas trop, que c'est une ligne continue qui ne s'interrompt que lorsqu'on meurt. Mais elle s'interrompt à longueur de semaine, parfois de jours. Un « je t'aime » et la voilà qui fiche le camp, le temps de bien réaliser ce qu'il se passe. Un « il est mort » alourdit tellement le coeur, qu'il s'arrête de battre un moment. Les sirènes hurlent dehors, mais la vie s'arrête tout de même. Pour reprendre son souffle.

    Mais quand la vie prend un peu trop l'habitude de s'arrêter, on fatigue.

    Chacun est plus ou moins vulnérable à ce qui lui arrive au cours de sa vie. Je pense pouvoir affirmer sans trop me tromper que je fais partie des gens qui se font gifler par une feuille morte qui tombe d'un arbre, et non pas caresser. (Je laisse ce privilège à la gent masculine...) Être une artiste. Je veux dire une personne qui s'intéresse et vit de l'art par besoin (quel médiateur fantastique!), ayant la chance de disposer d'une sensibilité qui lui permet de recevoir et donner peut-être plus que les autres, mais s'exposant ainsi à une perte de soi. On dirait un peu un psy à la noix qui expose sa théorie, ça craint. Et vous devez déjà savoir tout ça... J'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.

    J'apelle par gifle ces perles de malheur qu'on apelle « désillusions », et qui nous collent à la peau, à la voix et au regard pour le restant de nos jours. Nous disions que chacun fait un choix quand il se retrouve face à cela. Le choix d'en faire de la tendresse ou de l'aigreur. Et ce que chacun fait de ces perles se voit sur son visage quand il vieillit. Il n'y a qu'à regarder les rides des gens dans la rue, c'est passionnant.

    La vie se gagne tous les jours. Chaque matin représente des épreuves à surmonter, des joies à laisser exploser, et des identités à rencontrer. Jamais nous n'avons la possibilité de nous reposer, et c'est difficile de comprendre comment en faire un avantage et non une fatigue.
    Mon amie me demandait si, quand on était trop fatigué, il n'était pas préférable de toucher le fond une bonne fois pour toutes, pour enfin taper du pied et remonter à la surface. En y réfléchissant, nous trouvions que deux choses s'y opposaient : d'une part, le désespoir est sans fond. Quand on y est, c'est pour de bon, et jamais nous n'en atteignons les abîmes sauf quand vient l'heure de mettre un terme à sa vie. Alors comment taper du pied sinon dans le vide? D'autre part, il n'est pas possible de décider, consciemment ou non, d'y plonger... et que ça marche : chacun de nous possède une énergie vitale. Une réserve de choses, comme un petit cagibi de sentiments. Une journée ne s'achève jamais (du moins c'est mon cas) sans que j'aie donné des choses, et reçu d'autres. Ainsi certains jours, où je n'ai pas touché mon violon ni ma guitare, où je n'ai pas écrit ni discuté avec quelqu'un, je me trouve le soir dans l'incapacité totale, physique et mentale, de m'endormir. Je dois alors ouvrir mon petit-cahier-pourri-de-petites-notes-sans-suites, et y gribouiller des phrases jusqu'à ce que je sois enfin déchargée et épuisée.

    L'énergie vitale est toujours présente en nous. Elle nous aide à tenir tête à tous les soucis, à réconforter des amis, et surtout, à interdire au désespoir de s'installer, et d'émerger au beau milieu du conscient, comme s'il était invité permanent. Non mais, il manquerait plus que ça.
    Nous avons distingué l'énergie vitale de l'instinct de survie. L'instinct de survie est la protection dont nous bénéficions permanence (ou presque). C'est l'instinct de survie qui fait qu'il existe des tentatives de suicides, et non pas que des suicides. L'instinct de survie permet à une mère de soulever une voiture si son enfant se trouve sous ses roues. Il joue sont rôle dans l'inconscient, bien sur, et c'est sans doute lorsque les deux entités se disputent (alors que consciemment, on sait pas trop à quoi on pense, on est juste un peu mou, le regard bas) que nous atteignons cet état « second » et incontrôlable de morosité.

    En fait, cette discussion m'a permi de me dire que je n'étais pas cette fille en qui tout le monde voyait quelqu'un de solide, mais une jeune fille qui a le droit d'aller mal, même si son entourage ne peut pas l'entendre. Même si les parents, théoriquement toujours là, n'entendent rien de ce que je raconte et me répondent à côté. Oui, vous devez penser que c'est même leur spécialité.
    Maman est une femme, papa est un homme, je suis une presque-femme un peu paumée mais à présent, j'ai la certitude d'être une personne à part entière, et même si j'ai confiance en la bonne dose d'énergie vitale que je reçois chaque jour, je viens de comprendre ce que signifie un combat quotidien et perpétuel contre la certitude de ne rien avoir à foutre ici, sur terre.

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Commentaires
M
Oui... étonnemment cette discussion avec mon amie n'est pas née de ce sentiment mais vraiment d'une réflexion à partir de la constatation : quand t'es "ailleurs", t'es où? et là, on trouve des choses (forcément) pas très joyeuses.<br /> bienvenue par ici!
A
J'imagine bien ce que tu ressens... J'étais plutôt mal moi-même il y a quelque temps. Curieusement, mes périodes d'abattements raccourcissent avec l'âge... j'apprends à profiter de la vie. mais que c'est dur, que c'est lours, parfois, souvent... Comme on a envie de tout arrêter...
M
Attends c'est pas fini!!! la suite demain!
M
Je crois que tu as tout bon... Je me retrouve énormément en ce que tu dis... Et j'ai même parfois l'impression que le tas de feuilles mortes est si gros que je m'y noierai... Et en plus, y a des fois, c'est pas une feuille, qui tombe, mais carrément une branche...
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