Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
des bouts de Marionette
24 octobre 2007

Critique : le neveu de Wittgenstein

Le neveu de Wittgenstein de Thomas Bernhard
Joué par Serge Merlin dans une mise en scène de Bernard Levy au Palais de Chaillot.


    Il est parfois curieux de constater que le plaisir que l'on peut éprouver en allant voir une pièce écrite par un homme dont on admire le travail, puisse se transformer en déception incommensurable.

    La « petite » salle de Chaillot est tout entière pour l'acteur Serge Merlin. Sur la scène, une colonne de feuilles de papier ; un peu plus à jardin un énorme bloc, enfin un autre paquet informe et désordonné de feuilles répandues au sol côté cour en avant scène, devant une chaise. Une toile immense en arc de cercle dans le fond de scène apparaît sous plusieurs aspects en fonction des lumières qui s'y noient. Cette toile de fond blanc et motifs – ou plutôt traits – noirs change la perception de ce que cela peut représenter, chaque fois que les projecteurs changent la couleur de leur gélatine. Ainsi au début, il peut sembler qu'il s'agit d'un océan, sur lequel sont groupés des voiliers, puis des caractères asiatiques, ou encore des jets d'encre de stylo... le décor participe, bien qu'il soit discret malgré sa taille, à un enrichissement certain de l'imaginaire théâtral dans lequel nous nous trouvons. Les couleurs qui lui sont appliquées varient en fonction du texte dit par Serge Merlin, et le complètent.

    Lorsque le narrateur arrive sur scène pour nous conter l'histoire de son amitié avec Paul Wittgenstein, la fatigue courbe son échine. Pourtant il porte sa canne et ne l'utilise pas comme telle, mais comme un objet anodin, simplement droit et raide reliant parfois son bras au sol. Rien de plus. Il regarde ses chaussures : pourquoi ne nous offre-t-il pas son regard, son histoire ? Quand il est désemparé, il crie et met ses mains sur son visage, sans pourtant jamais prendre le temps de nous laisser croire qu'il souffre. L'homme déambule sur scène avec peine (illusion ou pas ?) et les attitudes utilisées par l'acteur sont convenues et vides de tout affect. Ses gestes sont pourtant justes, et touchants. Par exemple le contact qui est créé avec toutes ces feuilles de papier est beau. C'est son encre, son histoire, sa douleur, sa mémoire ; et à voir la douceur avec laquelle il manie les lettres de sa correspondance avec Irina, le personnage en devient profondément lumineux. Mais l'évolution voulue par la mise en scène ne va pas dans ce sens.

    Bernard Levy a préféré un personnage qui vient raconter sa vie pour se faire  plaindre. Alors, sitôt quitté ce moment de réelle intimité et simplicité, nous revoilà face à un homme qui nous raconte une histoire qui ne nous intéresse plus. Il tire sur les mots, les souligne encore par des grimaces pour finalement ne ponctuer la chose que par des mots criés par-ci par-là. Sa diction, très bonne au demeurant, nourrit un ton tantôt chantant, tantôt monotone, mais évident de sincérité que lorsqu'il est question des lettres d'Irina.

    En bref ce spectacle est frustrant parce qu'il ne nous donne rien et ne nous demande rien non plus. Les rares moments de vérité que nous avons avec le personnage sont quand il est simple, et quand il nous offre son regard. Nous n'avons pas à compatir, puisque l'histoire est révolue. Nous ne le plaignons pas, il le fait déjà.

    Pour le spectateur lambda qui a pour habitude de prendre un encas avant la représentation, ce spectacle n'est pas à recommander : il se retrouvera dans une salle à très bonne température et confortable, regardant une très belle toile qui évolue, et écoutant une voix chantante déambuler sur la basse de son estomac qui digère ; mais jamais il ne pourra s'endormir... de peur de ronfler.

Publicité
Commentaires
Derniers commentaires
Publicité
Archives
Publicité