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des bouts de Marionette
27 juin 2007

Ce soir...

Ce soir ça va être coton.
Beaucoup d'entre nous n'ont pas envie de jouer. Quelques-uns sont malades, avec de la fièvre et tout. Un comédien est partit aux urgences avant le premier spectacle, le 23, celui de danse, pour se faire opérer d'une occlusion intestinale. Il est encore à l'hôpital mais va mieux. Deux garçons de deuxième année le remplacent. L'un a joué avant-hier soir une scène contemporaine super drôle, l'autre joue ce soir la dernière scène d'un Musset. Ils ont appris leur texte en un jour et se démerdent super bien.
Le metteur en scène nous met mal à l'aise et ne nous donne pas les armes pour donner le meilleur de soi. C'est un réel problème.
Ce soir, il faudra qu'on soit ensemble, nous, les élèves, la classe, les comédiens, les esprits, ..., les amours, les amis, les camarades, compagnons, amants de la scène, ... et qu'on s'aime, qu'on s'amuse, qu'on se haïsse, qu'on aspire la lumière des projos et qu'on dise merde à la vie réelle le temps de quelques scènes.

J'ai peur...


Après le spectacle :
On est arrivés à 16h comme convenu, pour faire des derniers réglages lumière, quelques raccords texte, vérifier les costumes et accessoires, se maquiller, se chauffer, se masser, se dire des choses gentilles... Le RDV était trop tôt, mais il vaut mieux ça que le contraire.
Le raccord sur mon monologue de Marthe n'a duré que quelques minutes. J'ai pleuré sur scène pour la première fois. Le directeur était aux anges.
Puis je suis allée m'habiller, me maquiller un peu, et mettre deux barrettes pour me dégager le visage. J'ai coupé mon téléphone.
Et là j'ai vu ma partenaire. Et j'ai failli pleurer, je ne sais pas ce qui m'a retenu, quelle force m'a saisie de ne pas m'effondrer. Elle se maquillait, et tremblait tellement qu'elle n'arrivait pas à ne pas se mettre son crayon dans l'oeil. Sur les nerfs. Elle m'a envoyé bouler quand je lui ai proposé mon aide. Elle m'a dit "C'est normal, j'suis alcolo, mais dès que j'aurai mis ma robe ça ira mieux. Tu le sais bien, les alcolos ça assure sur scène".
J'allais jouer avec elle une scène de l'Echange de Paul Claudel. Un monologue de Marthe qui enchaîne sur une scène avec Lechy, la nana qui lui a piqué son mec. On n'avait jamais travaillé mon monologue. Je n'étais même pas sure que le texte tienne à l'arrivée de l'émotion*. C'était neuf, frais. J'avais peur du vide, du noir, peur d'être livrée sans filet à une salle qui n'attendait que d'être étonnée et émue. Et elle venait froisser mon trac, mon noeud au ventre - le même que quand je suis amoureuse - avec des gestes arrachés, et des mots malheureux.
Ca n'allait pas. Pas du tout.
Noir en salle.
La peur. Elle me demande ce qui ne va pas, et comme on joue ensemble dans quelques minutes, je dois tout lui dire, c'est la condition sin equa non de la survie de notre scène. "J'ai peur pour toi" au lieu de "j'ai peur de toi". Elle me demande de lui faire confiance, j'accepte et m'éloigne pour ne plus penser qu'à la douleur de Marthe.
Quand elle arrive en lumière, j'ai les yeux baignés de larmes, la mer me fait face, mes mains s'enfoncent dans le sable de ma mémoire et un soleil me brûle la vue. Mais je reconnais son pas nonchalant et peu sur de lui. Elle me nargue. Elle souffre, Lechy, mais est déjà détruite. Pas Marthe. Sa voix fait défaut à la comédienne. Elle est mal à l'aise, je ne lui donne pas tout l'appui que je devrais et son texte est amputé de quelques phrases, mais je ne m'en rends pas compte.

Puis c'est le noir, les applaudissements, la scène suivante, je me dépêche de changer de costume, me fait un chignon et vais m'installer à cour, histoire d'être prête pour les Femmes Savantes. Halala, Armande... on pourrait penser qu'elle est frigide, mais son amour pour Clitandre est bel et bien ardent et sa douleur profonde. Henriette en a plein le cul de sa soeur relou avec ses histoires de philo et de raisonnabilité de la raison raisonnable. En plus elle s'est faite réveiller au milieu de la nuit par sa soeur pour se faire engueuler, elle finit par péter un plomb, logique. Elle met Armande en face de ses paradoxes, cette dernière en souffre mais garde la tête haute, du moins aussi haute que possible. La scène se passe bien, on s'amuse, on partage avec le public de bons moments.

Encore le noir.
Noirs... lumières...
Noir. Saluts.
Ma prof de mime m'a dit que je l'avais émue. C'est le plus beau compliment qu'on puisse me faire. Ma mère m'a félicité, et elle était sincère, et ça aussi c'était un cadeau superbe.

Ce soir, c'était bien.

[* Il y a -du moins pour le comédien- deux étapes dans l'apprentissage d'un texte. La première, c'est de le savoir à plat, pouvoir le débiter sans se tromper du début à la fin avec ou sans intonations. La deuxième, plus difficile, est de pouvoir continuer à le réciter quoiqu'il arrive, même si on vous marche sur le pied, qu'n fait tomber un lustre à vos pieds, que vous venez d'apprendre la mort de votre poisson rouge, bref il doit être automatisé. Après, on peut en faire ce qu'on veut. Et tant qu'on a pas mis le texte à l'épreuve (par des exercices par exemple) on ne sait pas s'il tiendra à l'émotion sur scène.]


Je vais de ce pas me démaquiller, et me coucher. Demain est un autre jour.

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Commentaires
M
Merci, bises!
A
Très joli résumé, plein de sueur encore, et les trippes à l'envers... :-)<br /> Chapeau, Mademoiselle!
M
@ Anna : maintenant que c'est passé, je peux répondre, MERCI!<br /> @ Alfie : ça s'oublie?? Faut jamais qu'j'arrête alors! bises
M
Les moments d'avant spectacle... J'ai tout oublié depuis le temps... Mais vas-y, lache toi Marion, donne tout ce que tu as dans tes tripes... Et reviens vite... Tu me (nous ?) manques !
A
Merde !
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